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2011

L’habit de livrée dans la Maison civile du roi : entre prestige et servitude

The livery outfit in the King’s Civil Household: between prestige and servitude
François Lafabrié

Abstracts

Liveries in the King’s Civil Household were particular clothes. Their appearance, finally codified in the 1660s, showed, by their colours and braids, the affiliation of their owner to the King’s service. They also reflected the hierarchy that existed inside the Royal Household: the variation of fabrics, but essentially the variation of materials and width of the braids, enabled contemporaries to clearly identify the different charges existing in the Royal Household. In addition, royal liveries held a prestigious dimension of their own: the luxury of their braids, the sums devoted to them, the number of people who wore them at Court and beyond, or conflicts of interest they aroused showed this dimension. They were even asked to be worn on out of the Royal Household. The strict regulations, which framed both their appearance and the steps of their conception, shows the care devoted to them and how this outfit, so usual, took such an importance at Court, becoming a reflection of the royal power. So, liveries were a junction between Court dress and usual clothes.

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Editor’s notes

Cet article est issu d’un travail mené sous la direction de Mathieu da Vinha dans le cadre du groupe de recherche « Versailles » de l’École du Louvre en partenariat avec le Centre de recherche du château de Versailles (session 2008-2009). L’auteur a apporté une mise à jour au présent article le 6 septembre 2011 sur les habits de livrée récemment entrés dans les collections du musée national des châteaux de Versailles et Trianon (voir paragraphe 27, fig. 5 et fig. 6).

Full text

  • 1 Furetière, 1690 : article « Livrée ».

1Livrée « signifioit autrefois une delivrance qu’on faisoit chaque jour à un Officier d’un Grand Seigneur, ou à un membre d’un Chapitre, des choses qui luy estoient assignées pour la subsistance […], & pour s’habiller une fois l’année. C’est ce qui a donné le nom aux Livrées1. » De l’ensemble des biens octroyés aux domestiques d’une maison, le terme s’est donc peu à peu restreint dans son acception au point de désigner le seul habit livré régulièrement aux gens de service.

  • 2 Franklin, 1906 : article « Livrées (Spécialité de) ».
  • 3 Furetière, 1690 : article « Livrée ».
  • 4 Franklin, 1906 : article « Livrées (Spécialité de) ».
  • 5 Diderot et D’Alembert, 1751-1765, t. IX : article « Livrée ».

2Le port d’un tel habit trouve son origine au Moyen Âge ; on parlait alors de robe et non de livrée2. Ce costume particulier marquait l’asservissement de son porteur à une maison. Antoine Furetière constate ainsi que les « Grands Seigneurs font porter leurs livrées à leurs domestiques, pour montrer qu’ils leur appartiennent […]. On les appelle gens de livrées3. » Mais l’habit de livrée n’est pas qu’un signe de servitude, il projette aussi une image de la maison à laquelle la personne qui le porte appartient, tant par sa couleur que par la répartition de ses étoffes et galons4. Il ne saurait donc être réduit à la seule acception de vêtement domestique. Intermédiaire entre l’habit domestique – par sa destination – et l’habit de cour – par le prestige qu’il doit inspirer –, l’habit de livrée offre une richesse de sens bien plus grande qu’il n’y paraît. Cette pluralité se cristallise superbement dans ce qui est considéré, sous l’Ancien Régime, comme « la plus belle & la plus noble de toutes les livrées5 » : la livrée royale.

  • 6 En effet, la Maison civile du roi n’employait que des hommes, à de rares exceptions près. Voir à ce (...)

3Entre 1660 et 1792, les hommes servant la Maison civile du roi6 sont ainsi vêtus d’une livrée affichant leur appartenance directe à la domesticité du souverain. Certes, la livrée royale existait bien avant 1660, mais ces années marquent un bouleversement dans son apparence : la centralisation politique du début du règne personnel de Louis XIV n’est sans doute pas étrangère à la stricte codification des livrées qui se met alors en place, et qui ne sera plus modifiée jusqu’à la chute de l’Ancien Régime. C’est également en 1660 qu’a lieu l’institutionnalisation du département du Garde-Meuble, jouant un rôle majeur dans la production des livrées.

4À la fois marque d’asservissement et gage de prestige, habit spécifique et tenue aux nuances multiples, la livrée de la Maison civile du roi offre des paradoxes qui peuvent être étudiés avec précision. Elle éclaire également le fonctionnement de la cour, tant dans la véritable « industrie » qui participe à sa production que dans la hiérarchie dont elle est un miroir. La livrée du roi apparaît autant comme un reflet de la puissance du monarque qu’un élément quotidien de la vie aulique.

Spécificités de la livrée dans la Maison du roi : l’image du pouvoir royal

  • 7 Mercure galant, décembre 1682 : 58.

5« On y voit ceux qui servent, sans qu’on s’imagine qu’ils soient mis là pour servir, puisqu’ils ont tous des Juste-au-Corps bleus, avec des Galons or & argent7. » En quelques mots, le Mercure galant de décembre 1682, décrivant le Grand Appartement du roi lors des jours de jeu, brosse les caractères essentiels de la livrée royale : composition, couleur, galons et luxe.

Composition : l’importance du justaucorps

  • 8 Bluche, 1990 : article « Vêtement ».
  • 9 Voir Ruppert, 1931 et Leloir, 1951.
  • 10 Nous conserverons dans notre article l’appellation « Justaucorps », et « habit » pour la tenue comp (...)

6L’élément premier de l’habit de livrée est le justaucorps, remplaçant l’ancien pourpoint. Il constitue le vêtement central du costume civil masculin – dit habit à la française à partir de Louis XV et fixé vers 16708 –, dont la tenue complète de livrée adopte trois éléments : le justaucorps, porté par-dessus la veste, et la culotte9. Le justaucorps est régulièrement appelé habit dès le début du xviie siècle, ce qui peut prêter à confusion avec l’habit complet, termes désignant la totalité de la tenue10. Cela révèle néanmoins la place fondamentale du justaucorps : partie la plus visible de l’habit de livrée, sa couleur et les galons qui l’ornent définissent clairement l’appartenance de son porteur à la Maison du roi (fig. 1).

Fig. 1 : Henry Du Rosnel et Guillemard, Habit de valets de pied, cochers, et autres, à la livrée du prince de Condé, 1776, dessin aquarellé, 52,5 × 35 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, Oa 137 fo, pl. 24.

Fig. 1 : Henry Du Rosnel et Guillemard, Habit de valets de pied, cochers, et autres, à la livrée du prince de Condé, 1776, dessin aquarellé, 52,5 × 35 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, Oa 137 fo, pl. 24.

Cette planche montre les trois éléments composant l’habit complet de livrée : le justaucorps, la veste et la culotte. Les galons qui suivent les coutures et les couleurs sont ceux de la maison du prince de Condé.

© Paris, Bibliothèque nationale de France

  • 11 Voir aux Archives nationales (dorénavant AN) les cartons O1 890 à 893 pour les Écuries ou O1 3517 à (...)
  • 12 Le terme désigne avant tout les accessoires terminant les vêtements, notamment les rubans, nœuds d’ (...)
  • 13 Leloir, 1951, aux articles correspondants. La casaque est un manteau sans manche, la roquelaure un (...)
  • 14 AN O1 891, fos 333 à 339, 1760.
  • 15 AN O1 811, Châteaux en général : Frotteurs, balayeurs, etc. (États d'habillement). 1763-1792, regis (...)
  • 16 Ibid.

7À ces trois éléments toujours livrés aux gens de service de la Maison civile du roi11 peuvent parfois s’ajouter des accessoires, selon la charge occupée par le destinataire : bas, chapeaux, petite oye12. Les bottes sont plus rarement fournies. Les manteaux (casaques, roquelaures, redingotes, capotes et surtouts13), destinés à protéger le justaucorps, sont dévolus aux personnels travaillant en extérieur : les gardes-chasse, une partie du personnel des Écuries ou encore le personnel accompagnant le roi lors de ses déplacements. Ainsi, en 1760, « les Cochers, Postillons, Porteurs de chaises et Palefreniers ayant représenté anciennement que leurs habits ne pouvoient pas se soutenir propres dans les temps de pluie, Sa Majesté a permis qu’il leur [fût] accordé un surtout de bouracan14 ». Le surtout peut parfois remplacer le justaucorps : à partir de 1783, les balayeurs se voient ainsi alternativement attribuer les deux15. Le terme surtout, comme celui d’habit, est d’ailleurs parfois utilisé pour faire référence à la tenue complète. Enfin, les gens de service, dont l’activité risque d’altérer leurs vêtements de livrée, notamment les frotteurs, sont fournis en « culottes et vestes de travail16 ».

  • 17 AN O1 891, fos 333 à 339, 1760. Compte tenu de l’existence d’habits particuliers pour les grandes c (...)
  • 18 Les livraisons pouvaient se faire plus rarement, tous les deux ans ; cela dépendait des charges. El (...)
  • 19 AN O1 891, fo 339.

8Le justaucorps de livrée est peu porté. Un dossier sur l’habillement des Écuries précise que « les habits de livrée ne se mettront que fort rarement », mais qu’ils seront « nécessaire[s] pour les occasions de Cérémonie17 ». Le justaucorps est en effet fragile et doit rester sans défaut durant au moins une année, les livraisons s’effectuant annuellement18. Il n’en va pas de même pour le reste de la tenue : les gens d’écurie, par exemple, « ne se servent de leurs habits de livrée que les jours de cérémonie » ; quotidiennement, ils « portent des surtouts qu’ils garnissent à leur gré19 ».

La codification de l’apparence

  • 20 Dangeau, 1854-1860, t. VII : 435, novembre 1700.
  • 21 Besongne, 1736, t. I : 258-260. « L’habit des Pages de la Chambre est de velours & de draps rouge [ (...)
  • 22 Bluche, 1990 : article « Lois somptuaires ».

9La couleur des justaucorps de livrée de la Maison du roi est le bleu. Le marquis de Dangeau n’évoque-t-il pas à ce sujet « la livrée bleue de France20 » ? Si le rouge peut également être présent – cramoisi, garance, écarlate –, il est utilisé pour les éléments secondaires tels que les doublures et les cols. Seuls les pages de la Chambre sont vêtus d’un justaucorps de livrée rouge21. Les couleurs de la Maison du roi font l’objet d’une réglementation stricte dès la publication des premiers édits somptuaires au début du xviie siècle22. Sont exempts de ces règles quelques privilégiés, notamment les représentants des princes étrangers auprès du roi de France.

  • 23 AN O1 890, fo 2. Ordonnance du 10 février 1704.
  • 24 AN O1 890, fo 1. Extrait du traité de police de M. de la Marre, 1705.
  • 25 Dangeau, 1854-1860, t. XIV : 286, 29 décembre 1712.
  • 26 AN O1 890, fo 2.

10La première ordonnance concernant uniquement la livrée est publiée le 21 mai 1659. Quiconque fait porter à ses « pages, laquais, cochers, et autres de leur suite des livrées à fond bleu » se place hors la loi, et ce même si « le galon [est] different de celui qui sert à la livrée de Sa Majesté, ce qui marque son intention qu’il n’y ait que les valets de pied et autres de sa maison qui soient habillés de sa livrée23 ». Elle inaugure une longue succession d’ordonnances similaires (6 février 1753, 16 avril 1762, 16 avril 1766, entre autres), dont le seul nombre prouve l’inefficacité. Car – avantage non négligeable – le port du bleu permet en effet de se faire passer pour un officier royal. M. de La Mare, commissaire du Châtelet, constate ainsi que « l’ambition de quelques particuliers avoit été jusqu’au point de faire imiter dans leurs habits de leurs domestiques les livrées du Roy24 ». Le marquis de Dangeau rapporte qu’en 1712 le port des livrées a « été cause de quelques désordres dans Paris, parce qu’on prenoit ces gens là pour des officiers, et cela les autorisoit à des insolences25 ». L’ordonnance de 1704 dénonce même ces imposteurs qui se permettent de commettre « beaucoup d’indécences dans les Églises et d’insolences aux personnes publiques26 » !

  • 27 AN O1 890, fo 1.
  • 28 Fréminville, 1771 : article « Luxe ».
  • 29 AN O1 890, fo 56. Plainte des pénitents blancs de Pézenas, 1770.
  • 30 Ibid.
  • 31 AN O1 890, fo 57. Lettre à Madame la Comtesse de Brionne, 16 septembre 1770.

11Il est non seulement interdit de porter les livrées royales, mais il est en outre défendu « à touts tailleurs d’habits, frippiers et autres de tenir dans leurs boutiques et exposer en vente aucun habits de cette qualité27 », sous peine de « confiscation [des habits], de punition corporelle » et d’amende. Certains édits mentionnent des peines de prison ou une privation de maîtrise pour les tailleurs28. Manquer de respect à qui porte la livrée du roi est aussi vu comme une atteinte à la personne royale. Lors d’une cérémonie en 1770 dans la ville de Pézenas, un chanoine osa demander « avec le ton le plus arrogant29 » au suisse en livrée du roi d’ôter son chapeau. Ce dernier n’obtempérant pas, le chanoine le lui enleva de force. Plainte fut déposée à la cour de Versailles, pour « insulte aggravante30 ». Après enquête, le département des Écuries jugea que bien que l’affaire fut secondaire, il était utile « d’empêcher que l’on ne manque à la livrée du Roi31 » (annexe 1).

Le luxe des galons

  • 32 AN O1 3521, dossier 1, Livrées or et argent 1769. Ordonnance à Messieurs L’Héritier pour fournir le (...)

12L’identification des livrées royales se fait également par des éléments essentiels : les galons ornant le justaucorps. Ils sont produits par des fabricants tels le sieur L’Héritier à la fin du xviiie siècle, chargé de fournir « les galons, bordez, cordonnets et boutons32 ». Ils sont les éléments les plus chers des habits, tant par leur matériaux luxueux que par les broderies qui les ornent et qui nécessitent un long travail. Ces rubans sont répartis le longs des coutures, ou tailles. Trois éléments peuvent faire partie des galons : le galon proprement dit ; l’agrément, galon moitié moins large pouvant être placé entre deux galons ; et le bordé, galon encore plus étroit (annexe 2).

  • 33 Saint-Simon, 1879-1928, t. XXXIX : 247.
  • 34 Apparaissent ainsi dans les archives des États pour les livrées de soie et pour les livrées or et a (...)

13Même s’ils sont souvent simplement présentés comme « galon de la livrée du roi », il en existe plusieurs types : Saint-Simon s’en fait l’écho en différenciant une « grande » d’une « petite livrée33 ». L’ensemble est en réalité bien plus complexe que cela. Deux grandes familles de galons royaux peuvent être définies : les galons « de soye » ou « à la livrée du roi » et les galons à fils métalliques, qu’ils soient « d’or et d’argent » ou « tout argent »34. On parle par extension de livrées et d’habit de soie et de livrée et d’habit d’or et d’argent.

  • 35 Fréminville, op. cit., article « Luxe » ; Ordonnance du Roi du 8 février 1713, contre le luxe des d (...)

14L’utilisation de l’or et de l’argent pour les galons est limitée à la livrée du roi par les édits somptuaires. Il est ainsi interdit à toute autre livrée « de faire mettre sous quelque prétexte que ce puisse être, des boutonnières, galons, passemens, ou franges d’or et d’argent sur les Juste-au-corps de livrée35 ». Le luxe est réservé au roi. Les galons de soie, eux, sont exécutés en soie et lin à partir de 1660 ; c’est le dessin que la soie crème forme sur le fond rouge qui identifie la Maison du roi, selon un modèle choisi par l’administration royale.

  • 36 AN O1 893, fo 86, Livrée des Écuries du Roy, du 16 décembre 1779.

15L’habit complet comporte une veste, galonnée – parfois différemment du justaucorps – ou non. Ainsi, en 1779, un habit de livrée de valet de pied s’orne d’un « large galon tout de soye cramoisy fin et blanc36 » alors que leur veste est galonnée d’argent. Les boutons s’accordent avec les galons : recouverts de fils métalliques pour les livrées « or et argent » et de fils de soie pour les livrées « de soie ». Des distinctions internes à chaque famille de galons permettent d’afficher la hiérarchie des classes.

Les « gens de livrée »

  • 37 Mercure galant, décembre 1682 : 58.

16« On y voit tous ceux qui servent sans qu’on s’imagine qu’ils soient mis là pour servir37 », rapporte le Mercure galant. Bien que destinées aux serviteurs de la Maison du roi, le luxe de leurs galons leur donne l’air d’habits de cour. Tous les offices ne sont pas concernés, mais seulement le personnel réuni sous l’appellation de gens de livrée, c’est-à-dire le bas de la hiérarchie de la Maison royale. Les officiers haut placés, comme les écuyers, en sont exempts. En cela, cette tenue marque un état subalterne au service du souverain.

  • 38 Les États de livrée du Garde-Meuble et des Écuries listent l’ensemble des charges.
  • 39 Les Comptes des Bâtiments du roi font état de justaucorps de livrée fournis à des « gardes des rigo (...)

17Il convient cependant de nuancer : les charges concernées par le port de la livrée sont extrêmement diverses, allant des simples garçons aux pages, en passant par une infinité de postes différents. Les listes sont assez détaillées pour permettre d’en mentionner les principaux38. Dépendant des Écuries et de la Vénerie : les pages, valets de pieds, cochers, postillons, porteurs de chaise, maîtres palefreniers, aides-palefreniers, piqueurs, sous-piqueurs, valets de chiens, élèves, maîtres maréchaux, valets des pages et divers garçons, ainsi que tout le petit personnel, tels les aides à la selle. Portent aussi la livrée les pages de la Chambre, les frotteurs, les balayeurs et les autres personnes attachées au gouvernement ou les muletiers. On trouve encore des suisses, huissiers et portiers, les gardes-chasse, le personnel des jardins (maîtres jardiniers, garçons jardiniers, fontainiers, etc.), les garçons des châteaux, des officiers des Menus Plaisirs, des gardes des Bâtiments du roi39 ou encore les musiciens militaires et la compagnie des Cent-Suisses, ces derniers fournis par la Maison civile bien que dépendant de la Maison militaire.

  • 40 AN O1 891, fo 342, Détail de la livrée du premier juillet 1761.
  • 41 AN O1 891, fo 382 : « les tailleurs des Écuries du Roy sont dans l’usage d’habiller les Suisses, po (...)

18Le nombre des officiers des Écuries domine largement. En 1761, on trouve pas moins de 1 084 gens de livrée pour ce seul département40 ! À ceux-là s’ajoutent environ 150 portiers et suisses des maisons royales41 et plusieurs centaines d’autres personnes relevant du Garde-Meuble (environ 250, dont une centaine de frotteurs et balayeurs), des Menus Plaisirs et des autres départements (fig. 2).

Fig. 2 : Pierre-Denis Martin, Vue générale du château de Marly, prise de l'abreuvoir (détail), 1724, huile sur toile, 137 × 155 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 741.

Fig. 2 : Pierre-Denis Martin, Vue générale du château de Marly, prise de l'abreuvoir (détail), 1724, huile sur toile, 137 × 155 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 741.

Les livrées royales apparaissent peu dans les représentations, étant avant tout des habits de domestiques, à l’exception des gens d’écurie. Ici, le cocher et le postillon du carrosse royal sont vêtus de livrées de soie.

© RMN (château de Versailles) / Gérard Blot

  • 42 AN O1 3517, dossier 1, Mémoire concernant la livrée du Roy qui passe au gardemeuble de Sa Majesté, (...)
  • 43 AN O1 891, fo 10, 1720.

19Des fluctuations des « gens de livrée » s’observent, que ce soit par engagement de nouveau personnel – on parle alors de « livrée par extraordinaire » – ou par transfert d’un département à un autre. En 1715, pour le Garde-Meuble, « il fut fait 232 habits […]. Depuis la mort du feu Roy, le nombre de ces habits est augmenté d’année à autre, en sorte qu’il en a été fait 420 pour la livrée du 1er octobre 172442 », et ce par le transfert d’une partie de la livrée des Bâtiments du roi au Garde-Meuble. Des livrées peuvent également être accordées à des pensionnaires ou à des retraités : quatorze « habits bleus tous unis » sont fournis pour les réformés des Écuries, tant pensionnaires qu’infirmes43. Leurs justaucorps sont exempts de galons.

  • 44 Les États divers du Garde-Meuble, AN O1, fos 3517 à 3523 mentionnent Versailles, Trianon, la Ménage (...)
  • 45 AN O1 3517, dossier 1, Bons du roi, Lettres concernant la livrée.
  • 46 Luynes, 1860-1865, t. XIV : 240.
  • 47 Mercure galant, janvier 1678 : 30.

20Quantifier avec exactitude les porteurs de la livrée du roi relève de l’impossible. Plusieurs milliers de personnes arborent ses couleurs à Versailles, dans les autres demeures royales44 et au-delà. Le personnel de la manufacture des Gobelins à Paris est en livrée lorsque son directeur « est obligé de faire voir les ouvrages de cette manufacture45 ». Le duc de Luynes mentionne même dans ses mémoires des hommes en livrée du roi à l’Académie de France à Rome46. Ce foisonnement concourt à l’éclat de la livrée royale. Quel meilleur témoignage que celui du Mercure galant en 1678 : « Le nombre de [livrées] de la Maison du Roy est si grand, qu’une infinité de Personnes qui ont voyagé assurent qu’il a plus de Pages et de Valets de pied, qu’on ne trouve ailleurs d’Officiers couchez sur l’État des plus grands Monarques de l’Europe47. »

Diversité des livrées royales : un reflet de la hiérarchie

La diversité matérielle des livrées

  • 48 Exemple : AN O1 891, fo 21, Ordonnance de livrée de 1724. Tous les habits sont en drap de Berry.
  • 49 AN O1 3521, dossier 14, Livrée or et argent, 1783.
  • 50 Voir Hardouin-Fugier, 1994, aux articles correspondants.
  • 51 AN O1 891, fo 134, 9 mars 1739, Note sur les habits des piqueurs : « la couleur des habits ne doit (...)
  • 52 Ouvrage de fils de laine entrlacés.
  • 53 AN O1 892, fo 196, lettre datée du 2 janvier 1781 adressée au grand écuyer.
  • 54 AN O1 892, fo 309, Tarif général des nouveaux aunages […], 29 octobre 1786.

21Le luxe n’est pas de mise pour les étoffes choisies : destinées aux domestiques, elles doivent être de qualité valable, mais ni luxueuses, ni trop chères. Le drap de laine bleu est l’étoffe principale pour les justaucorps, vestes et culottes. Les doublures sont majoritairement faites en serge, ou raz, teint en rouge. Si les livrées du début du xviiie siècle utilisent exclusivement le drap de Berry48, s’y ajoute le drap de Sedan à la fin du siècle. La qualité des tissus varie suivant la hiérarchie : le drap fin est destiné aux officiers les plus haut placés, les autres devant se contenter de gros drap. De même pour les manteaux : drap de Berry ou de Sedan pour les plus hautes charges, à l’image des surtouts des pages ; bouracan pour les cochers, « étoffe cassante et incommode49 » ; et camelot, étoffe encore plus grossière, pour le bas de la hiérarchie50. Les teintures utilisées sont strictement surveillées51. Les chapeaux sont en castor ou en caudebec et les bas en estame52, ou soie. Les finitions, en revanche, sont luxueuses : fils d’or et d’argent, de soie et de lin pour les galons ; broderies des boutonnières, ou brandebourgs ; velours écarlate pour les collets et parements… la livrée doit être digne du roi ! La qualité des étoffes est strictement vérifiée, et si un défaut est constaté, tout peut être renvoyé : en 1780, ce sont les habits des équipages qui sont retournés aux tailleurs, « le drap en étant détestable53 ». Les aunages nécessaires pour chaque type d’habit sont calculés au préalable. Pour un justaucorps, il faut compter quatre à cinq aunes de tissu en moyenne, une dizaine pour l’habit complet54 (annexe 3).

  • 55 Alors que les prix des galons de soie sont calculés à l’aune, les galons d’or et d’argent ont un pr (...)
  • 56 AN O1 3517, dossier 2, État général de la livrée or et argent et de soye depuis l’année 1741.

22Le coût de l’habit est évalué selon le prix de l’aunage des diverses fournitures et du poids55 des galons d’or et d’argent, calculé pour chaque habit par les tailleurs et accepté par l’administration. Le prix des vêtements varie fortement suivant la teinture, l’écarlate revenant par exemple plus cher que le bleu roi, mais surtout en fonction du galon. Ainsi, en 1741, le coût total des habits sans galons des garçons du Garde-Meuble est de 4 510 livres… et de plus de 20 000 livres avec56 !

  • 57 AN O1 891, fo 317, Livrée 1757, Écuries.
  • 58 AN O1 811, année 1770.
  • 59 AN O1 3518, lettre de Jean Celle, datée du 26 mars 1777.

23En 1757, le prix d’un habit complet oscille entre 407 livres pour un page et 172 livres pour un aide-palefrenier57. La différence est encore plus nette pour les manteaux : les surtouts des pages atteignent 471 livres, alors que ceux des aides de la Petite Écurie ne coûtent que 47 livres. Le justaucorps est la partie la plus chère de l’habit : en 1770, son prix est de 132 livres pour un frotteur, alors que la veste vaut 52 livres58. Le coût reste substantiel, même pour les habits les moins chers, et être fourni peut être vu comme une nécessité : le frotteur Jean Celle supplie ainsi l’administration « de lui accorder l’habillement, ses gages étant trop modiques pour pouvoir s’entretenir décemment59 » !

  • 60 AN O1 891, fo 317, Livrée 1757.
  • 61 AN O1 3517, dossier 2, Etat général de la livrée or et argent et de soye depuis l’année 1741 jusque (...)
  • 62 AN O1 892, fo 86, demande d’augmentation des tailleurs, 1776.
  • 63 AN O1 891, fo 131, Mémoire sur les habits de piqueurs, 1739.
  • 64 AN O1 891, fo 132, Mémoire sur les habits de piqueurs, 1739.

24Les totaux sont impressionnants : en 1757, le coût de l’habillement des Écuries s’élève à 458 000 livres environ60; tandis que la dépense du Garde-Meuble pour ses livrées se monte à 85 333 livres61, soit une somme totale de près de 550 000 livres ! Bien évidemment, les données évoluent suivant les fluctuations de la monnaie, l’arrivée de nouveaux personnels ou l’augmentation du coût des matériaux. En 1776, les tailleurs demandent une augmentation de 5 livres « pour la façon de chaque habit complet de la livrée du Roy, pour les dédommager des augmentations qu’il y a sur le fil, la soye, le poil de chèvre, les toilles de poches62 ». Malgré la variation des coûts, l’administration tente de maintenir une certaine stabilité. En 1739, lors du changement de l’habillement des piqueurs, entraînant un surcoût de 47 livres à l’unité, des solutions sont ainsi cherchées pour aboutir à un prix semblable à celui de 1738 : réduire les galons63 ou encore ne plus délivrer le manteau64.

25Leur diversité matérielle ne s’arrête pas là. Il existe également des livrées particulières pour les grandes occasions, notamment pour les pompes funèbres royales. Ces livrées habillent une grande partie des gens de la Maison du roi, dont le nombre s’accroît selon la qualité du défunt. Les habits diffèrent alors des tenues habituelles : noirs, les justaucorps reçoivent tous des nœuds d’épaule « de ruban bleu », rappel de leur appartenance à la Maison royale, avec des « franges pour les pentes et frangeons pour mettre autour », faisant monter leur prix jusqu’à 150 livres !

Les livrées de soie : grande, moyenne et petite livrée

  • 65 Beneton de Morange de Peyrins, 1739, cité dans Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 17 (...)
  • 66 Ibid.
  • 67 AN O1 3974, Soumission du Sr Taillebosq, maître tailleur, rue de la pompe à Versailles pour un habi (...)

26Les deux grands ensembles de galons sont régis par une hiérarchie interne visible, déjà sensible dans la variation des coûts. Il faut noter qu’un changement de dessin du galon survient vers 1660 : « le galon de la livrée Royale qui étoit de mode lors du mariage de Louis XIV étoit un échiquier à carreaux blancs, rouges et bleus, opposés les uns aux autres […] ; et ce n’est que depuis ce mariage que ce galon a été changé contre celuy qui dure encore65 ». L’assertion de M. Beneton de Morange de Peyrins se vérifie dans les tentures subsistantes des Maisons royales et de L’Histoire du roi, où les gens de service portent des galons faits de carreaux bleus, blancs et rouge. Le galon qui se met en place à partir de 1660 jusqu’à la Révolution est « un large velouté de rouge, sur lequel broche un double cordonnet blanc, qui en se croisant en sautoir, forme de grands ronds66 ». La précision du dessin peut être observée sur deux échantillons conservés dans une soumission du tailleur Taillebosq datant de 178067 : non seulement les couleurs ont conservé une extrême fraîcheur, mais les détails des broderies apparaissent dans toute leur complexité, mêlant cartouches et volutes (fig. 3 et 4).

Fig. 3 : Claude Ballin (d’après), Audience accordée par Louis XIV au comte de Fuente, ambassadeur du roi d’Espagne, au Louvre, le 24 mars 1662 (détail), xviiie siècle, tapisserie, 376 × 573 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Mmb 14194 ; GMTT987 ; V3843.

Fig. 3 : Claude Ballin (d’après), Audience accordée par Louis XIV au comte de Fuente, ambassadeur du roi d’Espagne, au Louvre, le 24 mars 1662 (détail), xviiie siècle, tapisserie, 376 × 573 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Mmb 14194 ; GMTT987 ; V3843.

Seizième pièce de la sixième série de la tenture de L’Histoire du roi. L’homme de service est vêtu d’un justaucorps orné des anciens galons de la livrée du roi : des carreaux bleus, blancs et rouges.

© RMN / Christian Jean / Jean Schormann

Fig. 4 : Pierre Dulin (d’après), La construction de l’hôtel des Invalides, 1674 (détail), xviiie siècle, tapisserie, 505 × 605 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Mmb 14185 ; GMTT9514.

Fig. 4 : Pierre Dulin (d’après), La construction de l’hôtel des Invalides, 1674 (détail), xviiie siècle, tapisserie, 505 × 605 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Mmb 14185 ; GMTT9514.

Première pièce de la cinquième série de la tenture de L’Histoire du roi. À l’arrière du roi, un homme tient les rênes d’un cheval. Il porte un justaucorps orné des nouveaux galons de soie en soie rouge et lin crème.

© RMN / Christian Jean / Jean Schormann

  • 68 Beneton de Morange de Peyrins, 1739, cité dans Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 17 (...)
  • 69 Ibid.
  • 70 Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 161, fig. 138. Le justaucorps bleu est orné de de (...)

27Les galons de soie sont divisés en trois groupes : les « grande » et « petite » livrées et, de façon plus épisodique, la « moyenne » livrée. Pour le justaucorps de petite livrée, « le galon est simple68 » ; il est doublé pour les deux autres : la moyenne s’orne ainsi de « deux moyens galons de soye et d’un agrément entre deux » ; enfin, la grande, dont deux exemplaires viennent d’enrichir les collections du château de Versailles (un autre est conservé au musée Galliera), est « chamarrez de deux larges galons de soye et un agrément entre deux ». L’agrément est « chargé de triangles rouges contrepointés deux à deux, ce qui forme des espèces de bilboquets69 ». Il n’est pas aisé de différencier grande70 et moyenne livrée, dont aucune mention n’apparaît hors du Garde-Meuble.

Fig. 5 : Justaucorps de grande livrée, vers 1770-1780, drap de laine bleu foncé, galons en passementerie de soie rouge et de lin crème, 103 × 48 × 15 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2011.4.

Fig. 5 : Justaucorps de grande livrée, vers 1770-1780, drap de laine bleu foncé, galons en passementerie de soie rouge et de lin crème, 103 × 48 × 15 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2011.4.

© Châteaux de Versailles et Trianon

Fig. 6 : Justaucorps de grande livrée, vers 1770-1780, drap de laine bleu foncé, parements de serge rouge, galons en passementerie de soie rouge et de lin crème, 105 × 60 × 14 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2011.5.

Fig. 6 : Justaucorps de grande livrée, vers 1770-1780, drap de laine bleu foncé, parements de serge rouge, galons en passementerie de soie rouge et de lin crème, 105 × 60 × 14 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2011.5.

Ces deux habits sont représentatifs de la grande livrée de la Maison du roi : drap bleu à deux larges galons rouges et blancs encadrant un agrément (à l’inverse des livrées de la Maison de la reine, en drap rouge à galons bleus et blancs). On note cependant que l’un des justaucorps (fig. 5) est galonné sur la totalité de ses parements, alors que ceux-ci ne sont qu’en drap rouge sur le second. Par ailleurs, il possède des boutons recouverts de fil de soie aux couleurs royales, contrairement aux boutons de l’autre habit. Cette abondance de galons, donnant au vêtement un aspect plus luxueux, est sans doute la marque d’une charge plus élevée au sein de la Maison du roi.

© Châteaux de Versailles et Trianon

28Les trois appellations se référent à une hiérarchie que la largeur des galons rend visible. La petite livrée est destinée aux offices les moins importants : garçons jardiniers, garçons et compagnons fontainiers, frotteurs et balayeurs, et personnel subalterne des Écuries. La grande livrée (fig. 7) habille les charges les plus importantes : pages, valets de pieds, cochers, postillons, porteurs de chaise, suisses et garçons des châteaux. La moyenne habille presque exclusivement le personnel des jardins : la personne qui « a soin de la Pièce des Suisses », le maître jardinier de la Ménagerie, le maître fontainier de Marly ou encore les jardiniers de Fontainebleau.

Fig. 7 : Pierre Lenfant, Siège de Tournai et de ses citadelles, 14 mai 1745 (détail), troisième quart du xviiie siècle, huile sur toile, 275 × 248 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 210.

Fig. 7 : Pierre Lenfant, Siège de Tournai et de ses citadelles, 14 mai 1745 (détail), troisième quart du xviiie siècle, huile sur toile, 275 × 248 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 210.

L’homme derrière le cheval porte un justaucorps de grande livrée. Un certain nombre d’officiers de la Maison civile du roi en grande livrée accompagnent le roi lors de ses campagnes militaires. Par ailleurs, certains officiers de la Maison militaire du roi (compagnie des Cent-Suisses et musiciens, notamment) sont habillés de livrées par la Maison civile du roi.

© RMN / Gérard Blot

Les livrées d’or et d’argent et tout argent

  • 71 AN O1 3521, dossier 1, Livrée du Roi or et argent et tout argent, du premier janvier 1770. L’État m (...)

29Les galons d’or et d’argent sont destinés à un nombre plus restreint d’officiers71, relevant essentiellement du Garde-Meuble. Plus fragiles, ils habillent avant tout les gens servant en intérieur ou au plus près du roi. Comme pour les galons de soie, une hiérarchie existe : tout en or ou or et argent pour les plus haut placés ; tout en argent pour les charges subalternes. La largeur et le poids du galon définissent la hiérarchie. Et plus il sont nombreux, plus les charges sont importantes… et plus l’habit est cher.

  • 72 AN O1 3521, Soumission des Tailleurs du Roi pour la livrée or et argent à Fournir au 1er avril.
  • 73 Besongne, 1736, t. I : 256-258.
  • 74 AN O1 892, fo 309, Tarif général des nouveaux aunages […], 1786.

30Les piqueurs ou encore l’amasseur de gibier du roi sont parmi les seules charges des Écuries à recevoir un habit galonné d’argent ; les plus hautes charges, en grande livrée, n’ont que la veste galonnée d’argent. Pour le Garde-Meuble, les gardes-chasse et les garçons du château ont droit à un justaucorps galonné d’argent72. Les galons d’or ou mêlant or et argent, plus rarement portés, le sont notamment par certains officiers des Menus Plaisirs ou les concierges du château. Les pages de la Chambre possèdent un grand habit entièrement galonné d’or. De plus, le justaucorps de leur petit habit est « chamarré d’un large passement ou galon d’or, entre deux galons plus étroits d’argent73 ». Les galons à fils métalliques permettent aussi de marquer la hiérarchie entre les livrées de soie. Ainsi, le chef des valets de pied, comme le commandant des Gardes-Suisses, était le seul de sa classe à posséder un très large justaucorps à galon d’argent74.

  • 75 AN O1 3517, dossier 1, Mémoire no 17, 1769.

31Les galons d’or et d’argent ont un dessin, mais différent de ceux de soie, depuis « que [Louis XIV] a jugé à propos de donner à l’habillement des officiers de cette partie ainsi qu’à celuy des Garçons du château une marque distinctive. » L’intendant du Garde-Meuble est chargé de montrer à « [Sa Majesté] les échantillons de galons pour qu’Elle choisisse le dessin qui lui conviens75. » Contrairement au dessin des galons de soie, celui des galons des livrées or et argent reste inconnu (fig. 8).

Fig. 8 : Antoine Trouvain, Sixième chambre des appartements, 1694, gravure, 53 × 44,6 cm, in Les appartements de Louis XIV, A. Trouvain, Paris, 1694. Versailles, bibliothèque municipale, rés. Lebaudy, gd in-fo 12, fo 6.

Fig. 8 : Antoine Trouvain, Sixième chambre des appartements, 1694, gravure, 53 × 44,6 cm, in Les appartements de Louis XIV, A. Trouvain, Paris, 1694. Versailles, bibliothèque municipale, rés. Lebaudy, gd in-fo 12, fo 6.

Le personnage à l’arrière-plan est vêtu d’un justaucorps galonné, beaucoup moins richement orné que ceux des hommes au premier plan de la gravure. Il pourrait s’agir d’un serviteur de la Maison civile, à l’habit galonné d’or ou d’argent.

© Bibliothèque municipale de Versailles

Un reflet du pouvoir : prestige et attraction de la livrée royale

De la commande à la livraison : le privilège de la façon

  • 76 Besongne, 1736, t. II : 70.
  • 77 Comptes des Bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, 1881-1901, t. III, 28 septembre 1692.

32La gestion des livrées est vue comme un véritable privilège – jalousement gardé – par les différents acteurs, et parfois source de conflits entre les départements. Ainsi, le grand écuyer, « ordonnateur de toute la livrée de la Maison du Roi »76, n’a en réalité de pouvoir effectif que sur la gestion financière de la livrée. En théorie, chaque département de la Maison civile (Écuries, Garde-Meuble, Chambre, Bâtiments77…) s’occupe de pointer (projets de livrée, devis et états nominatifs) et redistribuer annuellement les habits dont il a la charge. L’Écurie centralise les documents, et son trésorier se voit attribuer la somme nécessaire à la livrée annuelle, à charge pour lui de la ventiler entre les différents départements.

  • 78 Besongne, 1736, t. II : 70.
  • 79 AN O1 3517, dossier 1, Mémoire no 17, 1769.

33Mais les Écuries cherchent néanmoins à revendiquer leur prééminence sur l’ensemble de la conception des habits. Quoi de plus logique ? Ce département possèdant le plus grand nombre de gens de livrée. Ainsi, elles ne se contentent pas d’ordonner les livrées de leurs officiers, mais le font aussi « pour plusieurs Corps d’Officiers de la Maison du Roy78 ». De plus, les habits sont réalisés par des tailleurs – chargés de la façon – et des marchands – chargés de l’achat des étoffes – attachés au département des Écuries. Cette domination leur est reprochée lors du deuil de la reine Marie Leszczyńska : le Garde-Meuble ose alors commander les vêtements de ses suisses et garçons à d’autres tailleurs que ceux des Écuries, sans leur autorisation. L’affaire est portée devant le roi. La comtesse de Brionne, qui dirige alors les Écuries, défend ses privilèges, arguant « que toutes les livrées sont ordonnées » par ce département et « que les ordonnances de payement sont supervisées par M. le Grand Écuyer et que c’est les trésoriers des Écuries qui payent ces ordonnances ». Arguments auxquels le Garde-Meuble oppose que le paiement ne se fait par les Écuries « que parce que le Garde-Meuble n’ayant point de trésorier particulier et M. le Grand Écuyer ordonnant la majeure partie de la livrée, il a paru plus convenable de faire faire le payement de toutes les livrées par un seul et même trésorier que par plusieurs79 ».

  • 80 AN O1 891, fo 382. 1768, Défense des tailleurs des Écuries face aux accusations du Garde-Meuble.
  • 81 AN O1 3517, dossier 1, Gardemeuble, droit et prérogatives, livrées à ordonner, 1769.
  • 82 AN O1 3519, dossier 5, économie faite sur les livrées du Garde-Meuble entre 1783 et 1784.

34Bien que les artisans des Écuries – trois marchands et six tailleurs – habillent une bonne part de la Maison du roi, cet usage est davantage établi par économie que par réelle obligation. Là encore le conflit de 1768 se révèle utile : « c’est un avantage pour le roi que les tailleurs des Ecuries fournissent les habits » car « ils employent les étoffes qui leur restent pour faire les habits des Maisons Royales qui monteroient beaucoup plus haut si ces habits n’étoient pas fournis par les tailleurs des Écuries80 ». Cependant, cette prérogative n’est stipulée par aucun texte. Les départements peuvent faire appel à d’autres tailleurs que ceux des Écuries si ces derniers travaillent mal81. C’est le cas en 1783, ce qui permet au Garde-Meuble de faire réaliser des habits moins chers et de meilleure qualité, obligeant les tailleurs des Écuries à revenir sur leurs tarifs82. Les fournisseurs diffèrent aussi selon le type de galon : une partie des galons d’or et d’argent sont réalisés par des fabricants rattachés à la Chambre, tandis que ceux en soie sont fournis par les Écuries.

  • 83 AN O1 3521, dossier 1, Partage des habits or et argent, 1769.
  • 84 Ibid.

35Façon et livraison sont strictement réglementées : chaque étape est vérifiée et validée par l’administration royale. Aucune malfaçon ne doit apparaître sur les livrées, leur qualité se devant d’être irréprochable. Les tailleurs s’occupent d’une portion de la livrée83. Ils se déplacent pour « voir tous les gens qui sont compris dans leur lot d’habillement » et produisent un état général des lots, permettant ainsi « de se rapprocher des quantités de marchandises que le marchand fournisseur aura à délivrer a chaque tailleur ». Le tailleur a tout intérêt à respecter les mesures. En effet, si des habits se révèlent « trop courts ou trop étroits, ils seront remplacés aux frais du tailleur qui les auroit manqués84 » (annexe 4) !

Les livrées hors de la Maison du roi : le prestige de l’habit

  • 85 Saint-Simon, 1879-1928, t. XXXIX : 247.
  • 86 L’ensemble des requêtes sont réunies aux Archives nationales, O1 890.
  • 87 Ordonnance de 1704.

36« La grande et petite livrée du roi et de la reine d’Espagne […] sont en tout les mêmes que celles de France, même celles des garçons bleus du château et des tapissiers85. » Inspirant jusqu’aux souverains étrangers, le prestige des livrées du roi et de couleurs en font des objets de désir, dont le port hors de la Maison du roi est considéré comme un privilège par nombre de gens, des plus éloignés aux plus proches de la Cour. La multitude de requêtes arrivant auprès de l’administration pour obtenir l’autorisation de faire porter la livrée royale témoigne de ce prestige86. Ce droit ne concerne néanmoins que les livrées de soie : les petites livrées pour les domestiques et les grandes livrées pour les suisses. Si le porteur n’est pas compté parmi les gens de livrée du roi, il faut une permission, uniquement délivrée par le grand écuyer, « afin que personne ne puisse porter la livrée du Roy sans sa permission87 ». Les demandes doivent être déposées par écrit auprès du grand écuyer.

  • 88 AN O1 893, fo 128 : État des habits de la livrée du Roy au premier juillet qui appartiennent à son (...)
  • 89 AN O1 890, fos 172 à 179, couvrant la période 1723-1789.
  • 90 AN O1 890, fo 84.
  • 91 AN O1 890, fo 34. Permission accordée pour un domestique pour le dentiste du roy, Claude Mouton, 17 (...)
  • 92 AN O1 890, fo 26.
  • 93 Le suisse désigne dans une église celui qui est chargé de sa garde.
  • 94 AN O1 890, fo 27, demande de l’évêché de Laon.
  • 95 AN O890, dossier (fos 66 à 78).
  • 96 AN O1 890, fo 66.
  • 97 AN O1 890, fo 77.
  • 98 AN O1 890, fo 37. Le prieur de l’église Saint-Bernard, à Paris, n’ayant pas précisé de raison, il s (...)
  • 99 AN O1 890, fo 27. L’évêché de Laon est présenté comme démembrement de l’archevêché de Reims, fait p (...)

37Certains grands officiers de la Maison du roi peuvent, par leur charge, faire porter à leurs domestiques la livrée du roi, sans demande. Le grand écuyer peut par exemple en faire habiller une partie de ses propres gens88. Mais la plupart des officiers royaux doivent soumettre leurs requêtes, argumentées, afin de voir leurs domestiques vêtus aux couleurs du souverain. Les demandes sont si nombreuses que sont établis des États de permissions89. Certaines demandes, issues d’officiers proches du roi, comme l’instituteur des enfants de France90 ou le dentiste du souverain91, se justifient pleinement. Mais autorisation est également donnée à des personnes ayant un rapport plus lointain avec le roi ; non seulement le prestige de l’habit rejaillit sur elles, mais c’est un moyen pour l’administration royale d’afficher la puissance du souverain au-delà de la Cour. Sont ainsi habillés des employés de l’Académie royale de musique92. Enfin apparaissent en nombre relativement important des admissions pour des suisses93 d’églises et d’ordre religieux, sans rapport aucun avec la Maison du roi : Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Paris, les cathédrales de Laon ou de Reims ou encore les pénitents blancs de Montpellier. S’ils agissent pour « remédier aux immodesties, à l’indécence et aux désordres dans leur église », la raison première est liée au prestige de l’habit, la livrée du roi étant jugée capable « d’imprimer le respect, de porter le peuple à l’obéissance », voire d’accroître « la splendeur du culte divin94 » ! L’honneur est si grand qu’il suscite des envies : l’exemple le plus probant en est un conflit entre les pénitents blancs et bleus de Toulouse95 éclatant en 1779 : ces derniers, seuls à jouir de l’autorisation de faire porter la livrée du roi depuis 1753, demandent d’exclure les autres compagnies de pénitents du port de la livrée, dénonçant que « la Confrérie des péniten[t]s blancs a cr[u] pouvoir jouir de Cette prérogative sans aucune espèce de permission96 ». L’affaire est conclue par la proclamation de lettres patentes du roi reconnaissant le droit exclusif des pénitents bleus de Toulouse à porter la livrée dans leur ville97 ! La justification pour faire porter les couleurs du roi est obligatoire98. Il arrive que les argumentaires, souvent succincts, soient très poussés : la demande des chantres de la cathédrale de Laon pour leur suisse fait valoir, de façon pour le moins originale, que leur église est le « plus ancien monument de la piété du premier Roy [T]rès Chrétien99 » !

Fig. 9 : Étienne Allegrain, Promenade de Louis XIV en vue du parterre du Nord dans les jardins de Versailles (détail), vers 1688, huile sur toile, 234 × 295 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 752.

Fig. 9 : Étienne Allegrain, Promenade de Louis XIV en vue du parterre du Nord dans les jardins de Versailles (détail), vers 1688, huile sur toile, 234 × 295 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 752.

Dans le groupe entourant le roi se distinguent plusieurs hommes vêtus d’un justaucorps bleu. Deux, de dos, à l’extrémité gauche du détail, ont un justaucorps galonné de grande livrée, et l’un porte un chapeau. Ils font sans doute partie du haut de la hiérarchie de la Maison du roi. À l’extrémité droite du détail, un homme de la Maison militaire porte un baudrier, seul élément le différenciant de la Maison civile. Le nombre de justaucorps bleus contribue au prestige entourant la figure royale.

© RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot

  • 100 Voir Sally-Ann Héry-Simoulin, « Louis XIV et les mystères du justaucorps à brevet », dans Arizzoli- (...)
  • 101 Dangeau, 1854-1860, t. XII : 16.

38L’habit de livrée possède donc une dimension honorifique particulière : arborer les couleurs du roi est véritablement vu comme un privilège. On pourrait presque le rapprocher de ces justaucorps à brevet100, « que beaucoup de gens demandent101 », réservés aux intimes du roi entre 1660 et 1750 : malgré l’extrême luxe de leurs matériaux, ces derniers sont aussi des justaucorps bleus, montrant ainsi l’appartenance de leurs destinataires à la maison du souverain (fig. 9).

  • 102 Saint-Simon, 1879-1928, t. XXXIX : 267.

39Objet du quotidien et marque de servitude, mais aussi de prestige, ce costume aux couleurs codifiées place son porteur au sein d’une hiérarchie clairement établie. Couleurs, hiérarchie et prestige : ces mots résument les spécificités de la livrée dans la Maison civile du roi. Quelle meilleure preuve que ce témoignage du duc de Saint-Simon, constatant la proximité des livrées royales d’Espagne et de France : la copie de la livrée royale française par Philippe V « en fut si fidèle que ce seul mot instruit de sa composition, de son service, de son uniforme, en sorte qu’à voir cette garde on se croyoit à Versailles102 » !

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Vrignaud Gilberte, 1995, Vêture et parure en France au dix-huitième siècle, Paris / Chennevières-sur-Marne, Messene / J. de Cousance.

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Notes

1 Furetière, 1690 : article « Livrée ».

2 Franklin, 1906 : article « Livrées (Spécialité de) ».

3 Furetière, 1690 : article « Livrée ».

4 Franklin, 1906 : article « Livrées (Spécialité de) ».

5 Diderot et D’Alembert, 1751-1765, t. IX : article « Livrée ».

6 En effet, la Maison civile du roi n’employait que des hommes, à de rares exceptions près. Voir à ce sujet Mathieu da Vinha, « Les gens de livrée dans la maison civile du roi », dans Arizzoli-Clémentel ; Gorguet-Ballesteros, 2009 : 160-165.

7 Mercure galant, décembre 1682 : 58.

8 Bluche, 1990 : article « Vêtement ».

9 Voir Ruppert, 1931 et Leloir, 1951.

10 Nous conserverons dans notre article l’appellation « Justaucorps », et « habit » pour la tenue complète.

11 Voir aux Archives nationales (dorénavant AN) les cartons O1 890 à 893 pour les Écuries ou O1 3517 à 3523 pour le Garde-Meuble.

12 Le terme désigne avant tout les accessoires terminant les vêtements, notamment les rubans, nœuds d’épaules ou baudriers. Il s’étend parfois aux bas, chapeaux et gants.

13 Leloir, 1951, aux articles correspondants. La casaque est un manteau sans manche, la roquelaure un manteau à col rabattu, la redingote une variété de surtout, et la capote un gros manteau.

14 AN O1 891, fos 333 à 339, 1760.

15 AN O1 811, Châteaux en général : Frotteurs, balayeurs, etc. (États d'habillement). 1763-1792, registre.

16 Ibid.

17 AN O1 891, fos 333 à 339, 1760. Compte tenu de l’existence d’habits particuliers pour les grandes cérémonies royales, il convient d’entendre ici le terme cérémonie au sens large : messe, jeux… Habit désigne ici le justaucorps.

18 Les livraisons pouvaient se faire plus rarement, tous les deux ans ; cela dépendait des charges. Elles s’effectuaient un premier du mois, entre mars et juin.

19 AN O1 891, fo 339.

20 Dangeau, 1854-1860, t. VII : 435, novembre 1700.

21 Besongne, 1736, t. I : 258-260. « L’habit des Pages de la Chambre est de velours & de draps rouge […] ».

22 Bluche, 1990 : article « Lois somptuaires ».

23 AN O1 890, fo 2. Ordonnance du 10 février 1704.

24 AN O1 890, fo 1. Extrait du traité de police de M. de la Marre, 1705.

25 Dangeau, 1854-1860, t. XIV : 286, 29 décembre 1712.

26 AN O1 890, fo 2.

27 AN O1 890, fo 1.

28 Fréminville, 1771 : article « Luxe ».

29 AN O1 890, fo 56. Plainte des pénitents blancs de Pézenas, 1770.

30 Ibid.

31 AN O1 890, fo 57. Lettre à Madame la Comtesse de Brionne, 16 septembre 1770.

32 AN O1 3521, dossier 1, Livrées or et argent 1769. Ordonnance à Messieurs L’Héritier pour fournir les galons des livrées or et argent du Garde-Meuble.

33 Saint-Simon, 1879-1928, t. XXXIX : 247.

34 Apparaissent ainsi dans les archives des États pour les livrées de soie et pour les livrées or et argent.

35 Fréminville, op. cit., article « Luxe » ; Ordonnance du Roi du 8 février 1713, contre le luxe des domestiques, laquais et gens de Livrée.

36 AN O1 893, fo 86, Livrée des Écuries du Roy, du 16 décembre 1779.

37 Mercure galant, décembre 1682 : 58.

38 Les États de livrée du Garde-Meuble et des Écuries listent l’ensemble des charges.

39 Les Comptes des Bâtiments du roi font état de justaucorps de livrée fournis à des « gardes des rigolles et estangs ».

40 AN O1 891, fo 342, Détail de la livrée du premier juillet 1761.

41 AN O1 891, fo 382 : « les tailleurs des Écuries du Roy sont dans l’usage d’habiller les Suisses, portiers et autres des Maisons royales, ce qui fait plus de 150 personnes ».

42 AN O1 3517, dossier 1, Mémoire concernant la livrée du Roy qui passe au gardemeuble de Sa Majesté, 1725.

43 AN O1 891, fo 10, 1720.

44 Les États divers du Garde-Meuble, AN O1, fos 3517 à 3523 mentionnent Versailles, Trianon, la Ménagerie, Marly et la machine, Saint-Germain-en-Laye, le Val, Meudon, Chaville, la Muette, Choisy, Vincennes, Fontainebleau, les Tuileries, le Luxembourg, le Cours-la-Reine, les Gobelins, l’Observatoire, le Jardin du roi, le château du Louvre, le Garde-Meuble à Paris et le haras.

45 AN O1 3517, dossier 1, Bons du roi, Lettres concernant la livrée.

46 Luynes, 1860-1865, t. XIV : 240.

47 Mercure galant, janvier 1678 : 30.

48 Exemple : AN O1 891, fo 21, Ordonnance de livrée de 1724. Tous les habits sont en drap de Berry.

49 AN O1 3521, dossier 14, Livrée or et argent, 1783.

50 Voir Hardouin-Fugier, 1994, aux articles correspondants.

51 AN O1 891, fo 134, 9 mars 1739, Note sur les habits des piqueurs : « la couleur des habits ne doit pas être sang-de-bœuf ».

52 Ouvrage de fils de laine entrlacés.

53 AN O1 892, fo 196, lettre datée du 2 janvier 1781 adressée au grand écuyer.

54 AN O1 892, fo 309, Tarif général des nouveaux aunages […], 29 octobre 1786.

55 Alors que les prix des galons de soie sont calculés à l’aune, les galons d’or et d’argent ont un prix fixé à l’once.

56 AN O1 3517, dossier 2, État général de la livrée or et argent et de soye depuis l’année 1741.

57 AN O1 891, fo 317, Livrée 1757, Écuries.

58 AN O1 811, année 1770.

59 AN O1 3518, lettre de Jean Celle, datée du 26 mars 1777.

60 AN O1 891, fo 317, Livrée 1757.

61 AN O1 3517, dossier 2, Etat général de la livrée or et argent et de soye depuis l’année 1741 jusques et compris l’année 1758.

62 AN O1 892, fo 86, demande d’augmentation des tailleurs, 1776.

63 AN O1 891, fo 131, Mémoire sur les habits de piqueurs, 1739.

64 AN O1 891, fo 132, Mémoire sur les habits de piqueurs, 1739.

65 Beneton de Morange de Peyrins, 1739, cité dans Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 175.

66 Ibid.

67 AN O1 3974, Soumission du Sr Taillebosq, maître tailleur, rue de la pompe à Versailles pour un habit de grande livrée, 29 mai 1780.

68 Beneton de Morange de Peyrins, 1739, cité dans Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 175.

69 Ibid.

70 Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 161, fig. 138. Le justaucorps bleu est orné de deux grands galons de soie entourant un agrément. Le motif des galons est celui de la Maison du roi.

71 AN O1 3521, dossier 1, Livrée du Roi or et argent et tout argent, du premier janvier 1770. L’État mentionne 60 personnes seulement.

72 AN O1 3521, Soumission des Tailleurs du Roi pour la livrée or et argent à Fournir au 1er avril.

73 Besongne, 1736, t. I : 256-258.

74 AN O1 892, fo 309, Tarif général des nouveaux aunages […], 1786.

75 AN O1 3517, dossier 1, Mémoire no 17, 1769.

76 Besongne, 1736, t. II : 70.

77 Comptes des Bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, 1881-1901, t. III, 28 septembre 1692.

78 Besongne, 1736, t. II : 70.

79 AN O1 3517, dossier 1, Mémoire no 17, 1769.

80 AN O1 891, fo 382. 1768, Défense des tailleurs des Écuries face aux accusations du Garde-Meuble.

81 AN O1 3517, dossier 1, Gardemeuble, droit et prérogatives, livrées à ordonner, 1769.

82 AN O1 3519, dossier 5, économie faite sur les livrées du Garde-Meuble entre 1783 et 1784.

83 AN O1 3521, dossier 1, Partage des habits or et argent, 1769.

84 Ibid.

85 Saint-Simon, 1879-1928, t. XXXIX : 247.

86 L’ensemble des requêtes sont réunies aux Archives nationales, O1 890.

87 Ordonnance de 1704.

88 AN O1 893, fo 128 : État des habits de la livrée du Roy au premier juillet qui appartiennent à son Altesse Monseigneur le Prince Charles de Lorraine, Grand Écuyer de France, année 1718.

89 AN O1 890, fos 172 à 179, couvrant la période 1723-1789.

90 AN O1 890, fo 84.

91 AN O1 890, fo 34. Permission accordée pour un domestique pour le dentiste du roy, Claude Mouton, 1753.

92 AN O1 890, fo 26.

93 Le suisse désigne dans une église celui qui est chargé de sa garde.

94 AN O1 890, fo 27, demande de l’évêché de Laon.

95 AN O890, dossier (fos 66 à 78).

96 AN O1 890, fo 66.

97 AN O1 890, fo 77.

98 AN O1 890, fo 37. Le prieur de l’église Saint-Bernard, à Paris, n’ayant pas précisé de raison, il se voit demander le « titre en vertu duquel il faut porter la livrée du roy sur le suisse de leur église ».

99 AN O1 890, fo 27. L’évêché de Laon est présenté comme démembrement de l’archevêché de Reims, fait par saint Remi, qui « tenait de Clovis tous les biens de son église »…

100 Voir Sally-Ann Héry-Simoulin, « Louis XIV et les mystères du justaucorps à brevet », dans Arizzoli-Clémentel et Gorguet-Ballesteros, 2009 : 180-183.

101 Dangeau, 1854-1860, t. XII : 16.

102 Saint-Simon, 1879-1928, t. XXXIX : 267.

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List of illustrations

Title Fig. 1 : Henry Du Rosnel et Guillemard, Habit de valets de pied, cochers, et autres, à la livrée du prince de Condé, 1776, dessin aquarellé, 52,5 × 35 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, Oa 137 fo, pl. 24.
Caption Cette planche montre les trois éléments composant l’habit complet de livrée : le justaucorps, la veste et la culotte. Les galons qui suivent les coutures et les couleurs sont ceux de la maison du prince de Condé.
Credits © Paris, Bibliothèque nationale de France
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Title Fig. 2 : Pierre-Denis Martin, Vue générale du château de Marly, prise de l'abreuvoir (détail), 1724, huile sur toile, 137 × 155 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 741.
Caption Les livrées royales apparaissent peu dans les représentations, étant avant tout des habits de domestiques, à l’exception des gens d’écurie. Ici, le cocher et le postillon du carrosse royal sont vêtus de livrées de soie.
Credits © RMN (château de Versailles) / Gérard Blot
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/11373/img-2.jpg
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Title Fig. 3 : Claude Ballin (d’après), Audience accordée par Louis XIV au comte de Fuente, ambassadeur du roi d’Espagne, au Louvre, le 24 mars 1662 (détail), xviiie siècle, tapisserie, 376 × 573 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Mmb 14194 ; GMTT987 ; V3843.
Caption Seizième pièce de la sixième série de la tenture de L’Histoire du roi. L’homme de service est vêtu d’un justaucorps orné des anciens galons de la livrée du roi : des carreaux bleus, blancs et rouges.
Credits © RMN / Christian Jean / Jean Schormann
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Title Fig. 4 : Pierre Dulin (d’après), La construction de l’hôtel des Invalides, 1674 (détail), xviiie siècle, tapisserie, 505 × 605 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Mmb 14185 ; GMTT9514.
Caption Première pièce de la cinquième série de la tenture de L’Histoire du roi. À l’arrière du roi, un homme tient les rênes d’un cheval. Il porte un justaucorps orné des nouveaux galons de soie en soie rouge et lin crème.
Credits © RMN / Christian Jean / Jean Schormann
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/11373/img-4.jpg
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Title Fig. 5 : Justaucorps de grande livrée, vers 1770-1780, drap de laine bleu foncé, galons en passementerie de soie rouge et de lin crème, 103 × 48 × 15 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2011.4.
Credits © Châteaux de Versailles et Trianon
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Title Fig. 6 : Justaucorps de grande livrée, vers 1770-1780, drap de laine bleu foncé, parements de serge rouge, galons en passementerie de soie rouge et de lin crème, 105 × 60 × 14 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2011.5.
Caption Ces deux habits sont représentatifs de la grande livrée de la Maison du roi : drap bleu à deux larges galons rouges et blancs encadrant un agrément (à l’inverse des livrées de la Maison de la reine, en drap rouge à galons bleus et blancs). On note cependant que l’un des justaucorps (fig. 5) est galonné sur la totalité de ses parements, alors que ceux-ci ne sont qu’en drap rouge sur le second. Par ailleurs, il possède des boutons recouverts de fil de soie aux couleurs royales, contrairement aux boutons de l’autre habit. Cette abondance de galons, donnant au vêtement un aspect plus luxueux, est sans doute la marque d’une charge plus élevée au sein de la Maison du roi.
Credits © Châteaux de Versailles et Trianon
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Title Fig. 7 : Pierre Lenfant, Siège de Tournai et de ses citadelles, 14 mai 1745 (détail), troisième quart du xviiie siècle, huile sur toile, 275 × 248 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 210.
Caption L’homme derrière le cheval porte un justaucorps de grande livrée. Un certain nombre d’officiers de la Maison civile du roi en grande livrée accompagnent le roi lors de ses campagnes militaires. Par ailleurs, certains officiers de la Maison militaire du roi (compagnie des Cent-Suisses et musiciens, notamment) sont habillés de livrées par la Maison civile du roi.
Credits © RMN / Gérard Blot
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Title Fig. 8 : Antoine Trouvain, Sixième chambre des appartements, 1694, gravure, 53 × 44,6 cm, in Les appartements de Louis XIV, A. Trouvain, Paris, 1694. Versailles, bibliothèque municipale, rés. Lebaudy, gd in-fo 12, fo 6.
Caption Le personnage à l’arrière-plan est vêtu d’un justaucorps galonné, beaucoup moins richement orné que ceux des hommes au premier plan de la gravure. Il pourrait s’agir d’un serviteur de la Maison civile, à l’habit galonné d’or ou d’argent.
Credits © Bibliothèque municipale de Versailles
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Title Fig. 9 : Étienne Allegrain, Promenade de Louis XIV en vue du parterre du Nord dans les jardins de Versailles (détail), vers 1688, huile sur toile, 234 × 295 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 752.
Caption Dans le groupe entourant le roi se distinguent plusieurs hommes vêtus d’un justaucorps bleu. Deux, de dos, à l’extrémité gauche du détail, ont un justaucorps galonné de grande livrée, et l’un porte un chapeau. Ils font sans doute partie du haut de la hiérarchie de la Maison du roi. À l’extrémité droite du détail, un homme de la Maison militaire porte un baudrier, seul élément le différenciant de la Maison civile. Le nombre de justaucorps bleus contribue au prestige entourant la figure royale.
Credits © RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/11373/img-9.jpg
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References

Electronic reference

François Lafabrié, “L’habit de livrée dans la Maison civile du roi : entre prestige et servitude”Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [Online], Articles et études, Online since 09 August 2011, connection on 18 April 2024. URL: http://journals.openedition.org/crcv/11373; DOI: https://doi.org/10.4000/crcv.11373

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About the author

François Lafabrié

Titulaire d’un master II, dominante métiers du patrimoine, à l’École du Louvre. Mémoire d’étude sous la direction de Béatrix Saule et Mathieu da Vinha : « Les livrées royales à travers les collections publiques françaises (1660-1792) ». Contact : francois.lafabrie@laposte.net

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