Comment restaurer le filigrane d'un sabre.

Bonjour,
voici en photos la restauration d'un sabre mle 1821 d'officier d'infanterie.

Tout d'abord un peu d'histoire.
La sabre 1821 est le premier d'une série de sabres règlementaires pour officier qui comprend les modèles:
- 1821
- 1855
- 1882
- 1923

Ce sabre est défini dès 1817 pour remplacer l'épée, mais il n'est adopté que le 31 juillet 1821 par le maréchal Victor, ministre.

La lame est courbe "en demi-espadon". Elle présente en fait les caractéristiques d'une lame à la Montmorency; flèche peu prononcée, dos plat, présence de deux gouttières et deux pans creux arrondis à leur extrémité vers la pointe.

La monture est en bronze doré avec une petite branche latérale. Il est ornementé de décors et de feuilles le laurier. A la jonction de la monture et de la lame se trouve une garniture en drap écarlate, parfois conservée après son remplacement par une garniture en buffle le 20 mai 1840.

La poignée est en bois recouverte de basane noire, filigrane doré. Elle sera confectionnée en corne de buffle à partir du 12 février 1855.

Carrière de ce sabre:
Elle sera assez prestigieuse et longue car il est aussi en dotation à la Garde Impériale dès sa création le 1° mai 1854.
Le 13 mai 1854 ce sont les sous officiers qui en seront également dotés, les adjudants le conserveront jusqu'au 18 février 1860, date à laquelle ils percevront le mle 1845. Les tambours majors, sous-chefs de musique et musiciens le porteront aussi. Les sergents-majors, sergents et caporaux-tambours le porteront, mais pas sous les armes. Dans ce cas ils auront le sabre "glaive" mle 1831. Enfin tous les maîtres-ouvriers de la Garde le porteront également.

Sa disparition se fera le 22 janvier 1883 quand les derniers à le porter (les sous-officiers du service de la justice militaire) se verront délivrer le mle 1845.

Voici l'état avant:





Rouillé, filigrane absent, pièce de drap absente également.
Là on voit bien la construction de la fusée, bois recouvert de basane, les nervures sont faites d'une spirale de cordelette:



Restauration proprement dite, démontage.
La soie est rivée plus ou moins fortement au pommeau:


Toujours faire usage de mordaches tendres en plomb, plastique, bois, laiton...


Pour faire sauter cette rivure, une Dremel et un disque pour amincir les bords, ou une mini meule:



Si la cravate en drap ou en cuir est encore présente, il faut la sacrifier.
Ca permettra d'avoir un peu de jeu permettant le meulage sans risque de l'extrémité de la soie.

Ensuite déserrer légèrement l'étau et se servir d'un chasse goupille fin pour repousser la soie. Le sabre est en appui sur le plateau de sa monture:


Ca vient:


C'est fait:



Retirer le pommeau:


Puis la poignée (ou fusée), le filigrane est encore doré dessous le pommeau:


Enfin la monture:


La soie n'est pas trempée et reste malléable.
On peut l'allonger un peu si nécessaire par martelage.
Un papier sur le soie et des éclisses de bois calent la fusée.


Nettoyage de la fleur de rouille à l'aide d'une brosse métallique et d'un touret (toujours porter des lunettes de protection!). Je ne nettoie jamais la soie:


Le fabricant est peu connu: Grandnée Gurgez à Marseille:


C'est déjà mieux, éventuellement finir au papier de verre waterproof, grains entre 400 et 800, toujours tiré en long dans la longueur de la lame:



Un léger polissage ne peut pas faire de mal à l'aide de disques et de pâtes à polir:


Toujours en long, du disque sisal au disque coton de finition:


Maintenant c'est encore mieux, j'ai laissé une légère patine.


La basane est passée au cirage nourissant.

Le filigrane est refait à l'aide de deux fils enroulés en spirale, fin ou non, cuivre fer ou laiton, selon les armes et les époques, en voici divers modèles:

Pour le faire, serrer une extrémité dans un étau, l'autre entre les mors d'une perceuse et tourner:

Là j'ai pris une chignole, une perceuse éléctrique convient aussi.
En tournant dans un sens on fait un type de filigrane, pour en faire un enroulé en sens contraire, tourner dans l'autre sens.
Ce type de montage à filigranes accolés et inversés se rencontre souvent au XVII°.

Attention avant de libérer le filigrane de l'étau ou du mors, tourner quelques tours en sens contraire pour le détendre!

On a eu soin de repérer le mode de fixation du filigrane d'origine, rentré dans un trou.


A la fin c'est pareil, il rentre aussi dans un trou.


Le petit bout qui ressort est plaqué contre la fusée, il sera caché par le pommeau:


La cravate, pièce de drap écarlate est taillée:


Si le pommeau a été marqué par le disque ou la meule, on le surface à l'aide de la Dremel et d'un papier de verre rotatif, c'est parfait:


L'ensemble est remonté à l'aide d'un maillet:


La soie est sertie à l'aide d'un petit marteau, si possible à panne bombée:


Si elle est trop courte du fait de son léger meulage, on peut la rallonger un poil par martelage.
Et c'est fini, ça a meilleure allure!



Je n'ai pas parlé du fourreau, au début il est en cuir et laiton avec deux anneaux, pour les officiers de grenadiers et de voltigeurs il est à bouton car il est porté au baudrier en sautoir.
Il sera en fer à deux anneaux dans les derniers temps, mais ne sera jamais à un seul anneau.

Le sabre se porte sans dragonne avant 1845.
Cordialement,
CG

Très très belle restauration :O !! Je suis ... épaté....
Bravo pour cette restauration! Tu as redonné une jeunesse à ce sabre!!

Félicitations !! Amitiés. JC.

Bonjour

Quel beau travail en tous points digne d'un armurier professionnel !

Mais combien d'années avant d'arriver à ce résultat et ce savoir-faire !!!

Chapeau bas et bravo car le final est à la hauteur des aspirations

Eh bien! Comme promis à Crevette, je vous raconte mon histoire.......
J'étais hésitant à acheter un sabre de 1882 (officier ww1), le prix me rebutait, 180 à 250 Euros. Ils étaient en parfait état, sans travail à refaire.
J'ai lu le post de Crevette (daté de début août je crois) et j'ai patienté jusqu'à en trouver un à 110 € (c'est cher, mais je voulais cette pièce). Le filigrane était mort et j'ai correspondu avec Crevette pour savoir si ce qu'il avait réalisé avec le sabre de 1822 était réalisable avec celui-ci. Devant sa réponse affirmative, j'ai acheté la pièce et j'ai un peu travaillé.
Je lui ai promis de poster le résultat sur le forum, ce que je fais ce soir .

Voici donc l'état avant :

















Et voilà l'état après menus travaux :













Un bain d'acide oxalique pour le fourreau et hop, une couleur d'origine qui réapparaît!







Et l'interrogation du moment, mais d'où provient cette lame (marquée V.P.B.) (c'est marrant de voir l'appareil se refléter dans la lame!!) Si quelqu'un a des infos.... Je suis preneur.



Merci de m'avoir lu et GRAND MERCI à Crevette pour son aide précieuse.
Cordialement

Heurtebise

super merci pour ce magnifique post!

Beau boulot Heurtebise, il est superbe!

Bonjour,
très belle restauration!
Pour VPB je n'ai toujours rien.

Quel travail !!!
Bravo.

Crevette a écrit:

Bonjour,
voici en photos la restauration d'un sabre mle 1821 d'officier d'infanterie.

Tout d'abord un peu d'histoire.
La sabre 1821 est le premier d'une série de sabres règlementaires pour officier qui comprend les modèles:
- 1821
- 1855
- 1882
- 1923

Ce sabre est défini dès 1817 pour remplacer l'épée, mais il n'est adopté que le 31 juillet 1821 par le maréchal Victor, ministre.

La lame est courbe "en demi-espadon". Elle présente en fait les caractéristiques d'une lame à la Montmorency; flèche peu prononcée, dos plat, présence de deux gouttières et deux pans creux arrondis à leur extrémité vers la pointe.

La monture est en bronze doré avec une petite branche latérale. Il est ornementé de décors et de feuilles le laurier. A la jonction de la monture et de la lame se trouve une garniture en drap écarlate, parfois conservée après son remplacement par une garniture en buffle le 20 mai 1840.

La poignée est en bois recouverte de basane noire, filigrane doré. Elle sera confectionnée en corne de buffle à partir du 12 février 1855.

Carrière de ce sabre:
Elle sera assez prestigieuse et longue car il est aussi en dotation à la Garde Impériale dès sa création le 1° mai 1854.
Le 13 mai 1854 ce sont les sous officiers qui en seront également dotés, les adjudants le conserveront jusqu'au 18 février 1860, date à laquelle ils percevront le mle 1845. Les tambours majors, sous-chefs de musique et musiciens le porteront aussi. Les sergents-majors, sergents et caporaux-tambours le porteront, mais pas sous les armes. Dans ce cas ils auront le sabre "glaive" mle 1831. Enfin tous les maîtres-ouvriers de la Garde le porteront également.

Sa disparition se fera le 22 janvier 1883 quand les derniers à le porter (les sous-officiers du service de la justice militaire) se verront délivrer le mle 1845.

Voici l'état avant:
Rouillé, filigrane absent, pièce de drap absente également.
Là on voit bien la construction de la fusée, bois recouvert de basane, les nervures sont faites d'une spirale de cordelette:


Restauration proprement dite, démontage.
La soie est rivée plus ou moins fortement au pommeau:

Toujours faire usage de mordaches tendres en plomb, plastique, bois, laiton...

Pour faire sauter cette rivure, une Dremel et un disque pour amincir les bords, ou une mini meule:

Ensuite déserrer légèrement l'étau et se servir d'un chasse goupille fin pour repousser la soie. Le sabre est en appui sur le plateau de sa monture:

Ca vient:

C'est fait:

Retirer le pommeau:

Puis la poignée (ou fusée), le filigrane est encore doré dessous le pommeau:
Enfin la monture:

La soie n'est pas trempée et reste malléable.
Un papier sur le soie et des éclisses de bois calent la fusée.

Nettoyage de la fleur de rouille à l'aide d'une brosse métallique et d'un touret (toujours porter des lunettes de protection!). Je ne nettoie jamais la soie:

Le fabricant est peu connu: Grangnée Gurgez à Marseille:

C'est déjà mieux, éventuellement finir au papier de verre waterproof, grains entre 400 et 800, toujours tiré en long dans la longueur de la lame:

Un léger polissage ne peut pas faire de mal à l'aide de disques et de pâtes à polir:

Toujours en long, du disque sisal au disque coton de finition:

Maintenant c'est encore mieux, j'ai laissé une légère patine.

La basane est passée au cirage nourissant.

Le filigrane est refait à l'aide de deux fils enroulés en spirale, fin ou non, cuivre fer ou laiton, selon les armes et les époques, en voici divers modèles:

Pour le faire, serrer une extrémité dans un étau, l'autre entre les mors d'une perceuse et tourner:

Là j'ai pris une chignole, une perceuse éléctrique convient aussi.
En tournant dans un sens on fait un type de filigrane, pour en faire un enroulé en sens contraire, tourner dans l'autre sens.
Ce type de montage à filigranes accolés et inversés se rencontre souvent au XVII°.

Attention avant de libérer le filigrane de l'étau ou du mors, tourner quelques tours en sens contraire pour le détendre!

On a eu soin de repérer le mode de fixation du filigrane d'origine, rentré dans un trou.

A la fin c'est pareil, il rentre aussi dans un trou.

Le petit bout qui ressort est plaqué contre la fusée, elle sera cachée par le pommeau:

La pièce de drap écarlate est taillée:

Si le pommeau a été marqué par le disque ou la meule, on le surface à l'aide de la Dremel et d'un papier de verre rotatif, c'est parfait:

L'ensemble est remonté à l'aide d'un maillet:

La soie est sertie à l'aide d'un petit marteau:

Si elle est trop courte du fait de son léger meulage, on peut la rallonger un poil par martelage.
Et c'est fini, ça a meilleure allure!


Je n'ai pas parlé du fourreau, au début il est en cuir et laiton avec deux anneaux, pour les officiers de grenadiers et de voltigeurs il est à bouton car il est porté au baudrier en sautoir.
Il sera en fer à deux anneaux dans les derniers temps, mais ne sera jamais à un seul anneau.

Le sabre se porte sans dragonne avant 1845.
Cordialement,
CG

Maintenant, je sais comment je dois reparer les sbles en mauvais etat.
Un grand merci Crevette
Urbain

Tout cela est très impressionnant !!!

bonjour crevette
avant toute chose felicitation pour ce travail c'est magnifique.
j'aimerai savoir s'il était possible d'avoir vos coordonnés au sujet d'un sabre 1882 que je voudrais restaurer

merci d'avance

Bravo pour ces deux reportages.
Je viens d'acheter un sabre 1882 à bas prix, il me semble très correct et il manque le filigrane, donc c'est pour moi une bonne occasion pour effectuer ma première restauration. Par contre je souhaite savoir où vous vous fournissez pour les fils de métaux qui une fois tressés constitue le filigrane ?
Je parcours avidement les posts sur les restaurations de sabre mais je n'ai pas trouvé cette information.
Merci d'avance
Sahiro

Bonjour,
j'utilise soit du fil à freiner en laiton que j'ai depuis plus de 35 ans, soir du fil de fer en magasin de bricolage.

Sinon voici un très beau filigrane surlié pour sabre d'officier:
http://www.naturabuy.fr/Filigrane-surlie-1-4-mm-item-2065035.html
http://www.naturabuy.fr/Filigrane-surlie-1-2-mm-item-2065016.html

C'est quasiment impossible à faire à la main et il peur faire ça en différents métaux.
Cordialement,
CG

Merci Crevette pour ces informations !
Pour un sabre d'officier d'infanterie modèle 1882, faut-il prendre laiton ou fer pour le filigrane et de quel diamètre ?
cordialement
sahiro

J'en ai eu un mais je ne l'ai plus.
De tête c'est en métal argenté, mais je ne me souviens plus du diamètre.
Le vendeur le sait peut-être?

De plus le filigrane torsadé est entre deux fils simples de même couleur.

On le voit un peu ici:
http://www.jjb-collection.com/sabre-dofficier-dinfanterie-modele-1882-xml-363_443_416_365-2465.html

Beau boulot!
...le sabre et le fil(....de forum!! )!

Merci crevette
cordialement
sahiro

Je viens de lire tout le sujet, et j'ai été fort impressionné par le travail de restauration de Crevette, et de Heurtebise.

Un grand bravo à vous 2.

Merci Crevette pour le tutoriel

Heurtebise pourrais-tu poster une photo du fourreau après restauration complète

Voilà la photo après une petite zone de test que tu avais faite



Merci